EN RESUME :
Si la restitution à laquelle le vendeur est tenu en vertu de la loi suite à une diminution du prix ne constitue pas un préjudice indemnisable, la responsabilité contractuelle du mesureur peut être engagée et sa condamnation à des dommages et intérêts obtenus.
LA DECISION :
Par un arrêt du 28 janvier 2015, la 3ème chambre de la Cour de Cassation a considéré que « Attendu qu’ayant retenu, à bon droit, que si la restitution, à laquelle le vendeur est tenu en vertu de la loi à la suite de la diminution du prix résultant d’une moindre mesure par rapport à la superficie convenue, ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable permettant une action en garantie, le vendeur peut se prévaloir à l’encontre du mesureur ayant réalisé un mesurage erroné, d’une perte de chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre, la cour d’appel a souverainement apprécié l’étendue du préjudice subi par Mme L. »
LES FAITS :
Mme L. vend un appartement à M.Z un appartement au prix de 335 000 €. Est annexée à l’acte de vente une attestation établie par une Société D. certifiant que la superficie du bien est de 63,10m² au sens de l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.
M.Z., acquéreur conteste l’exactitude de la superficie et fait procéder à un nouveau mesurage qui laisse apparaître une surface de 59,67 m², soit une différence de 5,52 %.
LE TEXTE – l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965, alinéas 1 et 7 :
« Toute promesse unilatérale de vente ou d’achat, tout contrat réalisant ou constatant la vente d’un lot ou d’une fraction de lot mentionne la superficie de la partie privative de ce lot ou cette fraction de lot.
[…]
Si la superficie est inférieure de plus d’un vingtième à celle exprimée dans l’acte, le vendeur, à la demande de l’acquéreur, supporte une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure. »
L’APPLICATION EN L’ESPECE :
M.Z. a sollicité la restitution de la partie du prix proportionnelle à la moindre mesure soit 18 511 €, somme que Mme Z. a donc été condamnée à lui payer en application du texte susvisé.
Les recours exercés par la demanderesse :
La venderesse, Mme Z. a assigné la Société D. ayant effectué la première mesure erronée, ainsi que son assureur pour obtenir réparation.
LA JURISPRUDENCE JUSQU’ICI :
Les Juges considéraient jusqu’alors que la restitution à laquelle est tenu le vendeur n’est pas un préjudice indemnisable permettant une action en garantie.
L’EVOLUTION :
La Cour de cassation rappelle la règle selon laquelle la restitution à laquelle est tenu le vendeur n’est pas un préjudice indemnisable permettant une action en garantie, mais elle ne s’arrête pas là et considère que le vendeur peut se prévaloir, à l’encontre du mesureur ayant réalisé un mesurage erroné, d’une perte de chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre.
CONSEQUENCES :
La Société D. est condamnée à payer à Mme L. la somme de 17 985,49 € à titre de dommages et intérêts, la faute professionnelle du mesureur étant retenue, et considérée comme ayant directement causé une perte de chance pour le vendeur de vendre son bien au même prix malgré une surface en réalité moindre.
POUR ALLER PLUS LOIN, le mécanisme :
La responsabilité contractuelle suppose pour être engagée la réunion de trois éléments : une faute, un préjudice, et un lien de causalité.
La faute du mesureur est évidente, certes. Mais quel est le préjudice subi par le vendeur ? Il est considéré de manière critiquable par la Cour de Cassation comme la perte de chance de vendre le bien au même prix. Le préjudice consiste en réalité en la restitution d’une fraction du prix de vente par le vendeur.
Quelle est alors cette chance perdue à laquelle fait référence la Haute juridiction ? La chance de vendre au même pour une surface moindre, et donc de tromper son acquéreur, ce qui ne saurait constituer un intérêt légitime.
Quant au lien de causalité, il est réalité inexistant puisque si la restitution a eu lieu, ce n’est pas en raison du premier mesurage erroné, mais bien du fait de l’initiative de l’acquéreur de faire procéder à un nouveau mesurage.
QUEL AVENIR POUR CETTE DECISON ?
La publication de celle-ci au Bulletin des arrêts de la Cour de Cassation laisse penser que la solution dégagée pourrait s’avérer pérenne …attention donc aux erreurs de mesurage…
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